Introduction

La sécurisation du circuit du médicament dans les structures médico-sociales est un enjeu majeur pour garantir la qualité des soins et la sécurité des usagers. Le référentiel de la Haute Autorité de Santé (HAS) fournit un cadre précis sur la gestion du risque médicamenteux. Parmi les critères mis en exergue (appelés critères impératifs), le critère 3.6.2 « Les professionnels respectent la sécurisation du circuit du médicament » impose aux structures médico-sociales de garantir la sécurisation du circuit du médicament à toutes les étapes du circuit à travers un process rigoureux.

1.   Les structures concernées par le circuit du médicament

Tous les ESSMS sont concernés par la thématique Accompagnement à la santé mais seules certaines structures sont concernées par le critère impératif 3.6.2. « Les professionnels respectent la sécurisation du circuit du médicament »

Comment savoir si ma structure est concernée ?
Il vous suffit d’aller à la fiche pratique n°2 du manuel d’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (p.173 à 178) et de vous assurer de votre champ d’application.

2.   La politique de gestion du risque médicamenteux en ESSMS

La mise en place d’une politique de gestion du risque médicamenteux adaptée aux spécificités de l’ESSMS est un préalable déterminant. Cette politique doit être intégrée au projet d’établissement et au projet de soins, en tenant compte :

  • Des particularités des personnes accompagnées

Exemple : troubles cognitifs, dépendance, difficultés de déglutition…

  • De la continuité de la prise en charge

Exemple : disponibilité des professionnels de santé, continuité de la prise en charge durant la nuit, les week-ends et les jours fériés.

Cette politique est déclinée en une procédure opérationnelle connue et accessible de tous les acteurs, y compris les nouveaux arrivants, vacataires et intérimaires.

Cette dernière couvre l’ensemble du circuit du médicament (source : OMEDIT Normandie) :

Circuit du médicament

Des modèles de procédure existent sur les différents réseaux OMEDIT, en voici un exemple.

Pour les structures sans Pharmacie à Usage Intérieur (PUI), une convention avec la pharmacie d’officine doit être signée pour définir les modalités de dispensation, livraison, gestion des stocks et des alertes sanitaires.
Des modèles de conventions existent, en voici un.

3. L’implication des professionnels dans la sécurisation du circuit du médicament

Le circuit du médicament est un process complexe en raison de la multitude des intervenants. Sa sécurisation repose sur l’engagement de toute l’équipe médico-soignante et éducative, qui doit connaître les bonnes pratiques et les dispositifs mis en place dans l’ESSMS.

  • Les médecins prescripteurs : Ils prennent en compte les contraintes d’organisation dans le choix de la forme galénique prescrite, adaptent leur prescription en cas de troubles de la déglutition, et assurent la coordination des prescriptions.
    La personne accompagnée doit pouvoir avoir le libre choix de son médecin traitant selon l’article R.4127-6 du code de la santé publique.
    Des conventions doivent être signées entre les médecins libéraux et les EHPAD selon l’arrêté du 30 décembre 2010 fixant les modèles de contrats types devant être signés par les professionnels de santé exerçant à titre libéral et intervenant au même titre dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
  • Le médecin coordonnateur (MEDCO) : Il centralise les prescriptions et assure la coordination médicale au sein de l’établissement.
  • Le pharmacien : Il réalise l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance, prépare éventuellement les doses à administrer (PDA), et apporte son expertise lors de réunions de concertation.
    Un pharmacien référent doit être nommé.
    L’ordre des pharmaciens détaillent les missions du pharmacien référent dans cet article.
    La personne accompagnée doit pouvoir avoir le libre choix de son pharmacien selon l’article R4235-21 du code de la santé publique.
  • Les infirmiers : Ils sont responsables du stockage des médicaments, de la préparation et du contrôle des doses à administrer, et de l’administration des traitements. Ils assurent également la traçabilité des traitements administrés et forment les professionnels impliqués dans l’aide à la prise.
  • Les aides-soignants, AES et AMP et accompagnants : Ils collaborent à l’aide à la prise des médicaments sous certaines conditions, et sont formés et habilités à cette tâche.
  • La personne accompagnée et son entourage : Ils sont informés des modalités de gestion des traitements et peuvent être impliqués dans l’auto-administration des médicaments avec une évaluation régulière de leur autonomie.

4. Les étapes du circuit du médicament

Le circuit du médicament comprend plusieurs étapes, chacune devant être sécurisée pour éviter les erreurs médicamenteuses.

a. La prescription

La prescription doit être informatisée autant que possible, avec l’utilisation de logiciels d’aide à la prescription pour limiter les erreurs. La prescription en Dénomination Commune Internationale (DCI) est recommandée pour éviter les confusions. Une réévaluation régulière des traitements est nécessaire pour adapter la prescription à l’évolution de l’état de santé du patient. Enfin, une coordination entre les différents médecins prescripteurs doit être mise en place. La retranscription de l’ordonnance doit être évitée grâce à des outils informatiques et des protocoles de coopération. Les prescriptions conditionnelles doivent préciser les critères d’administration, et les médecins doivent informer la personne accompagnée de tout changement de traitement.

b. La dispensation

La dispensation pharmaceutique comprend l’analyse pharmaceutique, la préparation des doses à administrer (PDA) et la transmission d’informations et de conseils à l’équipe soignante et au patient.
La PDA doit être réalisée sur 7 jours, avec un contrôle qualité par le pharmacien. Les médicaments doivent être identifiables jusqu’à l’administration.

c. Le transport et le stockage

Le transport et le stockage des médicaments doivent garantir le respect des règles d’hygiène, la bonne conservation des médicaments et la confidentialité. Les médicaments doivent être stockés dans des conditions de sécurité satisfaisantes, avec un accès limité aux personnes habilitées. Les conditions de conservation (température, lumière, etc.) doivent être respectées. Une vérification périodique des dates de péremption doit être assurée tout comme l’étiquetage des conditionnements multidoses.

d. La préparation des doses à administrer

La préparation des doses à administrer comprend la vérification de l’ordonnance, la préparation des piluliers nominatifs, la gestion des formes particulières (buvables, injectables, etc.) et un double contrôle par un second professionnel pour limiter les erreurs.
La préparation doit être réalisée au plus près de l’administration, et les médicaments doivent rester identifiables jusqu’à leur administration.
Les infirmiers doivent respecter les bonnes pratiques d’écrasement des médicaments et avoir accès à une liste des médicaments écrasables.

Voici la liste des médicaments écrasables.

e. L’administration et l’aide à la prise

L’administration des médicaments est un rôle propre de l’infirmier et repose sur la règle des 5B.

L’aide à la prise, quant à elle, peut être assurée par des personnes chargées de l’aide aux actes de la vie courante, sous certaines conditions : les médicaments doivent être prescrits, leur mode de prise ne doit pas présenter de difficulté particulière, et des protocoles de soins doivent avoir été élaborés avec l’équipe soignante.

f. La surveillance

La surveillance des personnes accompagnées après l’administration des médicaments est essentielle pour détecter d’éventuels effets indésirables. Une sensibilisation de tous les professionnels à l’identification des événements indésirables liés aux médicaments est nécessaire, ainsi que la mise en place d’un système de déclaration interne facile d’accès et non punitif.

5. La formation et l’évaluation continue des pratiques

La formation des professionnels est un levier essentiel pour garantir la sécurité du circuit du médicament.

En complément des sensibilisations générale sur le circuit du médicament, des sensibilisations spécifiques doivent être organisées en fonction des problématiques rencontrées dans l’établissement (troubles de la déglutition, erreurs récurrentes, nouveaux dispositifs réglementaires).

L’évaluation du circuit du médicament doit être réalisée régulièrement, notamment en cas de changement organisationnel (nouveau logiciel, évolution des protocoles, …). Cette évaluation repose sur des audits, des entretiens avec les professionnels et l’analyse des événements indésirables déclarés.

Des outils tels que InterDiag ou Archimed peuvent être utilisés pour auto-évaluer son circuit du médicament.

Conclusion

La sécurisation du circuit du médicament en ESSMS est un enjeu crucial pour garantir la qualité des soins et la sécurité des personnes accompagnées. L’appropriation des recommandations du référentiel HAS de mars 2022 par les professionnels, couplée à une politique de gestion des risques bien définie, permet d’optimiser la prise en charge médicamenteuse. La formation continue, la sensibilisation des équipes et l’implication de l’ensemble des acteurs sont des leviers indispensables pour prévenir les erreurs médicamenteuses et assurer une prise en charge sécurisée et adaptée aux besoins des résidents.

👉 Et pour aller plus loin vous pouvez revoir notre webinaire Comment optimiser le circuit du médicament en ESSMS ?